Le 30 juin 2013 restera gravé dans l'histoire contemporaine de l'Égypte comme une journée de mobilisation sans précédent, marquant la fin abrupte du mandat du président Mohamed Morsi. Des millions de citoyens sont descendus dans les rues à travers le pays, exprimant un rejet massif de son pouvoir. Morsi, figure emblématique du Parti Liberté et Justice (bras politique des Frères musulmans), avait été le premier président égyptien élu démocratiquement le 24 juin 2012, après la Révolution du 25 janvier 2011 qui avait renversé le régime d'Hosni Moubarak. Ironiquement, ce soulèvement populaire survenait exactement un an après son investiture, illustrant la rapidité avec laquelle les espoirs initiaux de la transition démocratique s'étaient évanouis pour une large partie de la population.

Son unique année au pouvoir fut en effet entachée de profondes divisions et d'une polarisation politique accrue. Le président Morsi était vivement critiqué pour ce qui était perçu comme une monopolisation du pouvoir par les Frères musulmans et une tentative d'islamisation forcée de la société. Des décisions controversées, telle que la déclaration constitutionnelle de novembre 2012 qui lui accordait des pouvoirs quasi illimités et mettait ses décrets à l'abri de tout recours judiciaire, ont suscité l'indignation de l'opposition laïque et libérale. À cela s'ajoutaient des difficultés économiques persistantes – pénuries de carburant, coupures d'électricité récurrentes, et une inflation grandissante – qui ont exacerbé le mécontentement général et sapé la confiance du public.

Le mouvement Tamarod : un catalyseur de la rébellion

C'est dans ce contexte tendu qu'est né, en avril 2013, le mouvement populaire "Tamarod" (qui signifie "rébellion" en arabe). Ce collectif citoyen a lancé une pétition nationale exigeant la démission immédiate de Mohamed Morsi et de son gouvernement. La campagne Tamarod a rencontré un écho retentissant, affirmant avoir recueilli plus de 29 millions de signatures. Bien que ce chiffre ait fait l'objet de vifs débats, il a indéniablement symbolisé l'ampleur du désaveu populaire et a agi comme un puissant catalyseur, galvanisant les foules et fixant la date du 30 juin comme celle du grand rassemblement national.

L'ampleur contestée du soulèvement et l'intervention militaire

Le 30 juin 2013, des millions d'Égyptiens ont répondu à l'appel de Tamarod, convergeant vers des lieux emblématiques comme la place Tahrir au Caire et le palais présidentiel d'Ittihadiya, ainsi que dans de nombreuses autres villes à travers le pays. L'affluence était telle que l'armée égyptienne, intervenue pour répondre à ce qu'elle a qualifié de "clameurs du peuple", a déclaré que ce soulèvement était la plus grande manifestation de l'histoire de l'Égypte. Elle a affirmé avoir recensé environ 32 millions de manifestants, une estimation prétendument basée sur des scans aériens effectués par des hélicoptères survolant l'ensemble du territoire national. Cette intervention de l'armée, menée par le général Abdel Fattah al-Sissi (alors ministre de la Défense), a abouti à la destitution de Mohamed Morsi le 3 juillet 2013, un acte qualifié de coup d'État par certains et de "révolution populaire" par l'armée et ses partisans.

Cependant, le chiffre de 32 millions avancé par l'armée a été catégoriquement réfuté par de nombreux observateurs indépendants, des experts en démographie et des analystes. Ils ont souligné l'improbabilité statistique et logistique d'un tel nombre, considérant la population totale de l'Égypte et les capacités d'accueil des lieux de rassemblement. Des études statistiques menées par des experts ont suggéré que le nombre total de manifestants à travers l'Égypte, bien que très significatif et se comptant en millions, dépassait à peine un million selon les estimations les plus conservatrices, et quelques millions selon les estimations les plus généreuses. Cette disparité flagrante des chiffres met en lumière la bataille de la perception et la forte polarisation politique qui caractérisaient l'Égypte à cette période cruciale de son histoire.

Questions Fréquemment Posées (FAQ)

Quelle était la principale raison du mécontentement envers Mohamed Morsi ?
Le mécontentement venait de multiples facteurs, notamment ses décrets constitutionnels controversés lui donnant des pouvoirs étendus, la perception d'une monopolisation du pouvoir par les Frères musulmans et des difficultés économiques persistantes comme les pénuries de carburant et l'inflation.
Qu'est-ce que Tamarod et quel a été son rôle ?
Tamarod, signifiant "rébellion", était un mouvement citoyen lancé en avril 2013 qui a initié une pétition pour exiger la démission de Mohamed Morsi. Il a réussi à mobiliser des millions d'Égyptiens et a joué un rôle crucial dans l'organisation des grandes manifestations du 30 juin 2013.
Qui a dirigé l'intervention militaire ayant destitué Mohamed Morsi ?
L'intervention militaire a été menée par le général Abdel Fattah al-Sissi, qui était alors le ministre de la Défense égyptien. Il a par la suite pris les rênes du pays et a été élu président en 2014.